lundi 10 juin 2013

Maître Kouceila Zerguine « L'État algérien a failli à son rôle celui de protéger les tailleurs de pierre de Tkout »


Maître Kouceila Zerguine avocat au barreau de Annaba est un membre très actif de la ligue algérienne des droits de l’homme , très engagé dans la défense des droits des victimes de la silicose de T’kout et de leur ayant droit , depuis des années il ne cesse d’interpeler le pouvoir algérien pour  qu’il assume sa responsabilité dans le drame des tailleurs de pierre , il appelle à une prise  en charge médicale des malade de la silicose et invite les pouvoir publique  à légiférer pour réglementer la profession de taillage de pierre et protéger les jeunes qui l’exercent .Me Zerguine n’hésitera pas à monter au créneau  pour dénoncer l’inertie de l’Etat algérien et son incapacité d’endiguer ce fléau , allant jusqu’à plaider la cause des tailleurs de pierre devant les instances internationales des droits de l’homme .

Me Kouceila Zerguine est également militant au sein du mouvement de citoyenneté pour la promotion de la culture berbère, il se bat depuis des années contre la discrimination dont sont victimes les prénoms amazigh et plaide pour l’abrogation du décret n°81-26 du 7 mars 1981 qu’il juge anticonstitutionnel.

Me Zerguine  malgré son jeune âge a plusieurs années de militantisme à son actif, ce qui lui vaut aujourd’hui  respect  et considération dans la profession.

Biographie express :Date et lieu de naissance : 13/12/1980 Annaba.
Parcoure professionnel :
-Avocat au barreau de Batna 2006 (Actuellement barreau d’Annaba)

-Titulaire d’un certificat de réussite en « détention et droit international » Institut international des droits de l’homme, René Cassin, Strasbourg (France)2009

-Titulaire d’un certificat de réussite en  «Bonne gouvernanceet droits de l’homme» Inter-University of Human right and démocratisation, Venise (Italie)2010

-Titulaire d’un certificat de réussite en « droit international et droits socio-économiques»  Institut international des droits de l’homme, René Cassin, Strasbourg (France)2011

-Auteur de plusieurs contributions/publications sur :

« Le nouvel an Berbère un point de repère »
« La reconnaissance de l’identité Berbère doit être effective et en toutes ses démentions »

« L’heure de la réconciliation avec soit même » 

«Le décret exécutif n° 10-201 relatif à la protection des tailleurs de pierres, une supercherie juridique ! »

« L’incrimination de la Harga, quel texte pour quel objectif ? »

Engagement :
- Militant à la Ligue Algérienne de défense des droits de l’homme LADDH (membre du conseil national)
- Militant au mouvement de citoyenneté pour la promotion de la culture Berbère (région Aurès).
-  Tout d’abord, avant de nous accorder obligeamment cet entretien  vous aviez traité une affaire urgente, pourriez-vous nous en parler ?


Kouceila Zerguine : Oui bien sûr, j’étais saisi par un père de famille M. Fouad Hassam qui  voulant inscrire sa fille sous le prénom « Sara Massilia » s’est vu refuser le second  prénom  ( Massilia ) sous prétexte qu’il ne figure pas sur « la liste des prénoms à caractère algérien » .

J’ai bien sûr contesté cette décision injuste qui est malheureusement loin d’être un cas isolé, le refus d’enregistrer des prénoms berbères à l’état civil persiste depuis l’indépendance de l’Algérie. Du point de vue juridique, il trouve son origine dans le décret n°81-26 du 7 mars 1981 portant établissement d’un lexique national des prénoms.

J’ai porté l’affaire devant les instances internationales de l’ONU pour faire pression sur le gouvernement algérien , ainsi j’ai saisi par écrit M. James Anaya rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme et libertés fondamentales des populations autochtones, Mme Farida Shaheed, rapporteuse spéciale sur les droits culturels et Mutuma Ruteere, rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.

Par ailleurs, je vais saisir très prochainement les présidents des deux chambres afin qu'ils saisissent à  leurs tours le président du conseil constitutionnel en vertu de l'article 166 de la constitution pour statuer   sur  le décret n°81-26 du 7 mars 1981 lequel est  un texte  qui contredit le préambule de la constitution algérienne qui reconnait expressément l’identité berbère comme une composante fondamentale de l’identité algérienne,  de ce fait ce décret est  anticonstitutionnel , je demanderai son abrogation pure et simple .

 -Il y a une vingtaine de jours,  Salah Lounissi a succombé à la silicose, faisant dépasser   le nombre des victimes le seuil fatidique de 100, au milieu de l’indifférence de l’Etat, un commentaire ?
Kouceila Zerguine : effectivement, on est arrivé aujourd’hui à l’horrible chiffre de 100 victimes comme vous l’avez bien dit « dans l’indifférence totale de l’Etat ».Un résultat tout à fait attendu, du fait qu’il n’existe aucune prise de conscience de la part des pouvoirs publics. Nonobstant les maintes démarches prises, pour les inciter à assumer leurs responsabilité et stopper par conséquent cette hécatombe, hélas, rien n’a été fait. Leurs devenir y compris celui des veuves et orphelins, qui ne cesse de s’accroitre d’une manière vertigineuse, semble n’intéresser personne, un amère constat, mais c’est la réalité! -Nous vous connaissons aujourd’hui comme étant le porte-voix des victimes de la silicose, quand est-ce Me Kouceila  Zerguine a commencé à s’intéresser à ce fléau de la silicose ?

Kouceila Zerguine : depuis le début de cette tragédie, nous avions suivi à travers les compte-rendu de la presse nationale  comme d’autres Algériens l’évolution macabre de ce « drame ».En premier temps, nous avons cru à une prompte réaction de la part des pouvoir publics, mais depuis rien n’a été fait, aucune initiative sérieuse n’a été entreprise , hormis le séminaire organisé en 2007 à Batna. Une rencontre qui n’a abouti à rien, si ce n’est le bradage de l’argent public dans des rendez-vous pareils ! La preuve le drame des tailleurs de pierres persiste à ce jour. Le choix qui m’a été offert l’été de 2009 été, soit de demeurer continuellement un observateur, encore moins un faiseur d’analyses, comme certains trouvent l’habilité de le faire, soit de prendre purement et simplement l’initiative de défendre la cause de ces victimes , de médiatiser leur drame et d’interpeler l’opinion publique algérienne sur cette tragédie . Le temps finira par juger… Après une concertation avec les cadres de la LADDH y compris le président honorifique de la LADDH Me Ali Yahia Abdenour que je salue vivement pour son soutien et encouragement, nous avions décidé de ne négliger aucune piste, de ménager aucun effort pour faire valoir leurs droits, tant au niveau national qu’international.

Le gouvernement a promulgué un décret  exécutif n° 10-201 du 30 août 2010 relatif aux dispositions spéciales de prévention et de protection des dangers des travaux de la taille de pierres,  comment vous jugez son bilan ?
Kouceila Zerguine :  le décret exécutif n° 10-201 comme je l’ai toujours dis, n’a absolument pas solutionné ce drame, «une fausse solution» du fait que le principe générale, celui de la protection des travailleurs en milieu professionnel, est déjà prévu par l’article 5 de la loi 90-11 relative aux relations de travail, ajoutant à cela l’arsenal juridique qui « tourne » au tour de ce principe. Alors, rajouter une loi, au moment même ou le principe général n’est pas applicable, ne sert absolument à rien : et …le drame perdure. La loi n° 90-03 relative à l’inspection du travail, indique clairement dans son article 2 que : «L’inspection du travail est chargée d’assurer le contrôle de l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives aux relations individuelles et collectives de travail, aux conditions du travail, d’hygiène et de sécurité des travailleurs.» mieux  encore les articles 09, 10, 11 de ladite loi prévoient que : « lorsque l’inspecteur du travail constate au cours de sa visite un danger grave et imminent pour la santé et la sécurité du travailleur, il saisit le wali ou le président de l’Assemblée populaire communale territorialement compétent pour prendre toutes mesures utiles.» Une question qui se pose ou plutôt qui mérite d’être posée aujourd’hui, y a-t-il une mesure qui ait été prise dans ce sens-là pour éviter cette hécatombe ? Non ! Car c’est l’inapplicabilité des lois en Algérie : c’est un mal récurant que nous connaissons tous.
-Le principale problème des victimes de la taille de pierres est qu’ils ne sont pas affiliés ni à la CNAS ni à la CASNOS, ils n’ont pas droit à une prise en charge médicale  et après leur décès leur famille ne perçoivent  aucune pension, que doit faire l’Etat concrètement ?
Kouceila Zerguine :  sur cette question la loi est claire, ceux qui travaillent pour le compte d’un employeur, un entrepreneur … etc., ce denier doit les déclarer auprès de la CNAS en vertu de l’article 10 de la loi 83-14 dans un délai qui ne dépasse pas les dix jours, le cas contraire, le contrevenant est passible de poursuites judiciaires, et là je reviens encore une fois, sur le mal de l’inapplicabilité des lois en Algérie, du fait qu’il n y a à ce jour aucune politique fiable pour résoudre ce problème. Le ministre de l’emploi et de la sécurité sociale parle de quelque 8000 dossiers qui ont été traduits en justice, alors que les dernières statistiques sur le nombre des employés non-affiliés à la CNAS dépassent les  50% de la main d’œuvre active sur le marché de travail. L’Etat doit tout simplement prendre le taureau par les cornes pour mettre un terme à ces pratiques et à cette anarchie qui règne sur le marché de travail depuis l’indépendance. En attendant, nous continuons toujours à revendiquer la mise en place d’une caisse spéciale, qui vient en aide aux ayant-droits des tailleurs de pierres victimes de la silicose, afin qu’ils puissent avoir le droit au capital de décès ainsi qu’une prise en charge sociale pour les veuves et orphelins  par voie de promulgation d’un texte, une loi qui assure à ces victime un SMIG et préserve leur   dignité humaine.  D’autre part, nous avons le cas des tailleurs de pierres qui travaillent pour leurs propres comptes. Le décret n°85-35 relatif à la sécurité sociale des cotisants exerçant une activité professionnelle non salariée, prévoit expressément que le professionnel doit se rapprocher de ladite caisse pour s’assurer. Le cas des tailleurs de pierres engendre une fois de plus une complication assez spécifique, du fait qu’ils ne sont pas considérés par la CASNOS comme des professionnels, puisque cette profession est classifiée comme un travail d’artisanat. Auprès de la direction de l’artisanat, ces derniers sont considérés comme des professionnels du domaine de la construction. D’où le problème suivant : comment les deux directions doivent s’entendre pour un dénouement de cette problématique. A défaut, ils auront la possibilité de s’affilier à l’une et à l’autre le plus normalement possible.
- Il y a quelques mois lors  de votre participation à la 22ème réunion du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève vous aviez saisi M. Anand Grover rapporteur spécial de l’ONU les violations  gravissimes  des  droits des travailleurs  dans le cas des tailleurs de pierre de T’kout , des précisions ?
Kouceila Zerguine :   
tout à fait, comme cela a été prévu, j’ai fini par saisir officiellement le rapporteur spécial sur les droits échus à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, en raison que la possibilité de faire valoir les droits de ces victimes au niveau national demeure irréalisable. Une rencontre été prévue avec le rapporteur lui-même, mais entendu que notre séjour à coïncidé avec l’absence du rapporteur, la rencontre a été assurée par son assistant. L’objectif de cette réunion été bien sûr de clarifier la situation tragique des tailleurs de pierres de T’kout qui persiste depuis plus d’une décennie, afin qu’ils puissent agir sur des données objectives, qui leurs permettra de prendre les dispositions nécessaires. La procédure est actuellement en cours.
-Vous comptiez  introduire un autre appel urgent auprès de la  Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples à Banjul (Gambie), des précisions ?
Kouceila Zerguine :  
entendu qu’il n’est plus possible aujourd’hui d’espérer quoi que ce soit de la part des responsables actuels pour résorber ce drame, l’unique choix qui me reste à faire, est celui d’avoir   recours aux mécanismes de protection des droits de l’homme« procédures spéciales en terme du droit international » auprès des instances internationales et régionales également, comme c’est le cas avec la commission Africaine des droits de l’homme, plus exactement « un appel urgent » auprès du groupe de travail sur les droits économiques, socioculturels, du fait que l’Etat algérien a ratifié la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, qui prévoit explicitement dans l’art. 16, par. 1 et 2, que «Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». Aliéna 2 rajoute encore mieux que « Les États parties à la présente charte s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ». Ce qui est nullement le cas avec les tailleurs de pierres victime de la silicose. Je crois qu’il est temps à l'État Algérien d’honorer ses engagements conventionnels. L’objective de cette démarche est de solliciter l’intervention dudit groupe, afin de secourir les victimes, de leurs éviter une mort précoce, de demander également auprès de l'État Algérien des explications sur la situation des tailleurs de pierres de T’kout victimes de la silicose, un drame qui persiste depuis plus d’une décennie, sous un silence radio, d’inviter également l'État Algérien à garantir d’une manière effective le droit à la santé pour cette catégorie de victimes. Le dit appel sera déposé le mois prochain.

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